Résumé :
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Le 7 février 1986, le dictateur Jean-Claude Duvalier et sa famille s'enfuyaient d'Haïti sous haute protection américaine. Depuis ce jour, le cheminement du peuple haïtien en route vers la démocratie ne cesse de traverser des zones de turbulence. Tous les symboles de l'ancien régime sont repérés et soumis au saccage le plus violent, comme dans un exorcisme national. Revenant en deçà de trente ans de duvaliérisme (père et fils), le peuple semble se lancer dans la critique la plus radicale de toute son histoire pour la réalisation véritable de ce qui avait été mis en suspens en 1806, lors de l'assassinat de Dessalines, le premier chef de l'État haïtien.
La prise de parole devait, dès la fuite du dictateur, conduire le peuple à déboulonner la statue de Christophe Colomb et la jeter en mer. L'opération dite de déchouquage n'était pas le seul nettoyage ou débarras de la société haïtienne des réseaux de macoutes, qui ont été l'oeil nocturne de la terreur introduit dans tous les interstices de cette société. C'était surtout l'expression d'un désir de reconstruction de la nation, sur des bases radicalement autres que celles du despotisme. Tout conspire à montrer l'existence de similitudes profondes avec le 1789 français. Mise en question générale des fondements traditionnels de la société, tentative de rupture avec un passé d'exploitation sociale et d'absolutisme, mais aussi inclination à soumettre le réel social à des oppositions manichéennes, autant d'indices qu'une mutation révolutionnaire est à l'œuvre en Haïti, avec toutes les possibilités d'errements, de « récupération » politicienne à court et à moyen terme...
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